Interview Bruno Puech : en quoi l’appel à une AMOA peut être réellement créateur de valeur pour les projets EPM ?

Le rôle de l’AMOA (assistance à maîtrise d’ouvrage) dans les projets de transformation Finance

Les projets de transformation de la fonction Finance ont de forts enjeux et par conséquent, de nombreux impacts. Qu’il s’agisse de changements parmi les outils du SI Finance, d’évolution des processus métier…, la question de faire appel à une AMOA se pose fréquemment, mais quelle est la valeur ajoutée de l’assistance à la maîtrise d’ouvrage concrètement ? Doit-elle intervenir uniquement en amont dans l’aide au choix des outils, ou au contraire s’inscrire dans la durée jusqu’à accompagner la conduite du changement ?

C’est pour mieux comprendre le rôle de l’AMOA dans la création de valeur autour des projets EPM que nous avons interviewé Bruno Puech, Directeur conseil et AMOA chez Smarthys. Bruno a commencé sa carrière au Crédit Agricole au sein du contrôle de gestion central où il a acquis une double compétence finance et technique qui lui a permis de proposer des solutions répondant parfaitement aux besoins métier. En intervenant auprès de différentes filiales pour améliorer leurs processus de contrôle de gestion, Bruno a évolué naturellement vers le métier du conseil et réalisé par la suite de nombreuses missions pour HSBC, Acadomia, Natixis, France Boissons, Grand Frais et Carrefour où il a rencontré les équipes Smarthys.

« J’ai tout de suite partagé la vision de Smarthys sur l’importance de la double compétence métier et technique. J’ai toujours été convaincu que le conseil doit intégrer toutes les implications techniques pour être vraiment performant. C’est ce que la technique permet de faire pour améliorer les processus métier qui est réellement intéressant. C’est pourquoi j’ai décidé de rejoindre Smarthys en janvier 2023 pour contribuer au développement du pôle Conseil et AMOA… »

Pouvez-vous nous partager un exemple de projet sur lequel vous avez contribué à transformer la direction financière ?

Oui, je peux citer l’exemple d’un distributeur à destination des professionnels du secteur Hôtellerie-Restauration dont les processus d’élaboration budgétaire doivent tenir compte de nombreux facteurs environnants pouvant influer sur la performance finale (prévisions climatiques, évènements sportifs, professionnels, etc.). Nous avons pris le temps de bien analyser la manière de travailler, les liens avec les équipes en région qui permettaient d’adapter les hypothèses, et nous avons fait évoluer les processus conjointement avec le contrôle de gestion Corporate qui était encore majoritairement sur Excel.

Nous avons ainsi défini de nouveaux process d’élaboration budgétaire pour toutes les entités du groupe qui ont permis de mettre à disposition des hypothèses de Forecast et de budget plus riches et plus fiables, et d’améliorer les analyses de marges par canaux et par produits. C’est la double vision métier et applicative qui a permis de réussir cette transformation. On a fait évoluer les processus, mais aussi adapté et rationalisé les outils utilisés afin que l’ensemble soit parfaitement aligné et plus fluide.  Le client a reconnu une réelle avancée pour le calcul de ses prévisions qui s’est avérée précieuse pendant la période de COVID et de confinement qui a suivi.

Dans quel contexte d’outils et de processus se trouvent les directions financières que vous rencontrez ?

Ce sont souvent les mêmes cas de figure : des systèmes empiriques, trop de fichiers Excel, trop de macros, trop de liens, et donc beaucoup d’usines à gaz… Et dans ces situations, il y a des calculs qui sont probablement faux sans qu’on le sache. Il s’agit bien souvent de systèmes intelligents qui fonctionnent, mais dont les collaborateurs à la source sont partis et la connaissance avec, ce qui présente un vrai risque. Ces systèmes sont alors devenus des boîtes noires non évolutives.

C’est pourquoi on travaille souvent dans ce contexte en mode Reverse Engineering : on part des fichiers Excel et des macros en apportant un regard externe et une critique constructive, afin d’être force de proposition. C’est le seul moyen de ne pas avoir d’écueil, et de faire évoluer les règles de gestion sans risquer des effets de bord et en les paramétrant de la meilleure manière possible dans l’outil EPM qui sera le plus adapté.

« C’est vraiment dans ce type de situations, lorsque les directions financières commencent à parler du « bouzin » ou à craindre de changer quelque chose dans leur système, que cela doit les alerter et les amener à faire appel à une AMOA externe… »

Dans d’autres cas de figure liés par exemple à des évolutions significatives dans le groupe et ses activités, ou l’arrivée de nouveaux dirigeants souhaitant simplifier et faire évoluer leurs outils de pilotage pour être plus performant, on rencontre des directions financières qui souhaitent opérer une vraie transformation de leur système financier. Dans ces cas précis, il faut remettre à plat tous leurs processus et référentiels en proposant une révolution à tous les niveaux (mode de pensées, règles de gestion et outils).

La première étape sera de percevoir l’écart d’acceptation entre les sponsors et les équipes sur le terrain : ceci afin de mesurer les chances de succès d’un tel projet.  

A partir de ce constat, le rôle de l’AMOA sera de proposer ce qui est acceptable par l’ensemble des acteurs (tout en mettant la barre à un niveau élevé pour essayer d’embarquer un maximum d’intervenants, avant de temporiser s’il y a lieu pour trouver un compromis). Pour mesurer la possibilité de réussite du projet, le rôle de l’AMOA sera de faire un équilibre entre les forces en présence :

  • Capacité de l’IT (interfaces et réactivité),
  • Capacité de la MOA interne (compréhension du métier et expérience projet),
  • Capacité du métier à être un véritable acteur (définition de ses propres besoins et ouverture d’esprit au challenge).

« C’est dans ce contexte que l’on perçoit la véritable envie d’évoluer et l’ouverture d’esprit pour changer un métier qui n’évolue plus depuis longtemps. Sans cette envie côté client, inutile d’aller plus loin, il faut que tous les acteurs soient alignés ou que le sponsor du projet soit assez présent pour imposer une ligne directrice forte ».

Pourquoi faire appel à une AMOA externe ? Quelle est la valeur ajoutée ?

L’objectif est de revoir des règles de gestion qui existent depuis des années afin de les optimiser et de les faire évoluer de la meilleure manière possible, et l’AMOA a l’avantage du regard externe neuf et de la prise de recul indispensable. Au fil du temps, la direction financière a accepté certaines situations sans plus se poser de questions et avec le syndrome de la « tête dans le guidon », elle ne sait plus comment s’y prendre pour changer les choses. Grâce à sa connaissance métier et aux retours d’expérience qu’elle peut partager, l’AMOA voit des choses que la direction financière ne voit plus forcément, et elle sait ce qu’il sera possible de faire. Elle pourra accompagner l’évolution de l’organisation en conseillant également les outils qui seront les plus adaptés dans le contexte. C’est cette double compétence métier et applicative qui sera la plus créatrice de valeur dans la durée…

Bien souvent, l’AMOA commence par faire un rapport d’étonnement en s’appuyant sur ses retours d’expérience, ce qui permet de challenger rapidement la direction financière. Ensuite, pour bien formaliser le besoin et l’évolution attendue, le plus important est de savoir faire l’interprète entre le métier et la technique, et mieux vaut pour cela une AMOA réellement expérimentée. Cet état d’esprit est vraiment au cœur de l’ADN des consultants Smarthys. Nous nous intéressons avant tout à ce qui doit être amélioré, on ne cherche pas à tout revoir pour tout revoir, il faut rester pertinent dans ses conseils et savoir conserver ce qui fonctionne bien pour agir sur les processus devant être améliorés en priorité, ce qui sera réellement créateur de valeur.

« La grande force de l’AMOA est de savoir aborder les processus métier dans leur globalité, pour voir les implications et les impacts de changement d’outils. Nous proposons ensuite une trajectoire via une feuille de route simple et absorbable, afin d’aider nos clients à sortir des boîtes noires où on ne sait plus ce qui se passe entre la donnée en entrée et la donnée en sortie… »

Ce sont des projets qui peuvent être lourds, est-ce le rôle du PMO de suivre ensuite ces projets ?

PMO (Project Management Officer) et AMOA sont vraiment deux métiers différents, mais qui sont réellement complémentaires pour réussir ce type de projets et transformer avec succès la fonction Finance. Le rôle du PMO est d’assurer le contrôle de gestion du projet, mais il n’est pas expert pour autant des besoins métier en contrôle de gestion. Il saura mobiliser les équipes, suivre le planning et garantir le respect de la méthode, alors que le rôle de l’AMOA est de traduire les besoins exprimés dans les règles de gestion et les paramétrages applicatifs à réaliser de la meilleure manière possible.

En revanche, on voit parfois l’AMOA prendre le rôle de PMO en plus. Cela permet d’être plus efficace dans le suivi des actions des équipes techniques pour vérifier au fur et à mesure que les réalisations progressent conformément à ce qui a été validé, ce que ne peut pas faire un PMO classique qui ne se substituera pas à l’AMOA et y fera appel constamment…

On touche d’ailleurs ici ce qui distingue une AMOA « classique » de ce qu’apportent par exemple les consultants Smarthys avec leur double expertise métier et applicative. Ils vont jouer un rôle d’interprète entre les différentes personnes impliquées, et partager leurs retours d’expérience, ce qui crée davantage de valeur dans le projet.

Pour les organisations qui lancent des projets EPM afin d’améliorer leurs processus, quels sont les facteurs clés de succès selon vous ?

Avant tout une définition claire par la direction financière des processus métier à faire évoluer ou à mettre en place, et une bonne implication de toutes les personnes nécessaires. En se basant sur nos expériences, on peut citer l’exemple des projets de consolidation dans les groupes internationaux où lorsque les filiales ne sont pas suffisamment impliquées dans la conduite du changement, elles finissent toujours par remonter des données « farfelues », ce qui finit aussi par épuiser le Corporate.

Le vrai facteur clé de succès dans tous les projets EPM, c’est d’englober le triptyque Organisation – Processus – Outils pour penser à tout : aux coûts, aux impacts techniques, aux risques de régression fonctionnelle, etc. Pour cela, il est indispensable de bénéficier des bons conseils. Que l’on soit en méthode agile ou non, et même si l’on a impliqué toutes les bonnes personnes et décideurs, l’important c’est de bien cadrer en amont pour savoir précisément où l’on veut aller et ce que l’on veut obtenir.

Pour réussir un projet en méthode agile, il est impératif que les correspondants métier soient à la fois sachants et décideurs mais également capables de se projeter vers un nouvel outil et des processus innovants.

Lors de ce cadrage, il est primordial de lister et décrire les axes d’analyse à prendre en compte dans la solution cible (entités, indicateurs, produits…) ce sont eux qui définiront la structure de la future solution, ils doivent être identifiés le plus tôt possible (ce qui aura également l’avantage d’anticiper les interfaces à mettre en place).

« Se faire accompagner par une AMOA expérimentée est déterminant selon moi pour réussir car il n’y a jamais de solution toute faite. C’est bien le conseil apporté et les retours d’expérience partagés qui vont apporter les bonnes idées et permettre d’imaginer ensemble comment adapter un outil et les processus pour faire évoluer une entreprise dans la bonne direction… »